Bétons à faible impact écologique : sont-ils aussi performants ?

Face à la raréfaction des ressources naturelles et à des réglementations environnementales plus strictes, les acteurs de la construction et du génie civil cherchent à développer des alternatives écologiques au béton et au ciment. Et si nos déchets se substituaient au sable et aux granulats minéraux dans la composition des bétons ? Les experts CAPACITÉS développent de nouvelles formulations de bétons à partir de granulats recyclés, issus de la valorisation de déchets ou de matériaux excavés des chantiers. Se pose la question des performances structurelles et de la durabilité de ces nouveaux matériaux. Les experts CAPACITÉS développent des stratégies d’essais pour éprouver leur résistance.

Explications avec deux experts CAPACITÉS : Laurence Guihéneuf, Ingénieur Projets BTP-Génie civil et Ali Nordine Leklou, professeur à l’Université de Nantes dans l’équipe IEG (Interactions Eau-Géomatériaux) du laboratoire GeM et Conseiller scientifique auprès de CAPACITÉS.

En résumé

Mots Clés :

ÉCO-MATÉRIAUXFORMULATIONgénie civiléco-constructiongranulats recyclésbétons alternatifsliants géopolymères

Expertises Associées :

Quelles sont les alternatives au béton et au ciment « classiques » ?

N. Leklou Les alternatives au béton sont ce qu’on appelle des écomatériaux. Il s’agit de matériaux fabriqués à partir de ressources renouvelables et qui sont eux-mêmes renouvelables ou recyclables en fin de vie. Parmi les écomatériaux, on trouve d’abord la terre crue additionnée de différents types de fibres végétales. On trouve également les nouveaux bétons : des bétons de chanvre, des bétons formulés avec des additions(1) ou encore des bétons fabriqués avec des granulats recyclés issus de la valorisation de déchets de déconstruction.

Le ciment, quant à lui, peut être remplacé par des liants géopolymères(2)  pour certaines applications.

Quels défis technologiques pose l’utilisation de ces bétons alternatifs ?

L. Guihéneuf Les acteurs du génie civil attendent des écomatériaux les mêmes performances structurelles et de durabilité qu’un béton classique, à un coût compétitif. Les écomatériaux peuvent présenter des performances comparables au béton classique sur certaines propriétés, telle que la thermique ou l’hygrométrie. En revanche, leurs performances structurelles sont généralement inférieures. Ils sont adaptés à la construction de maisons individuelles mais pas encore à celle d’ouvrages plus imposants tels des ponts ou des tunnels par exemples. La recherche avance sur ces sujets.

N. Leklou Il paraît difficile d’abandonner totalement le béton. Par contre, nous pouvons réduire son impact environnemental en utilisant des granulats recyclés ou des additions. Nous accompagnons par exemple la start-up Néolithe qui fabrique des granulats à partir de déchets non-inertes, c’est-à-dire des déchets ménagers ou du BTP non-recyclables. Nous suivons l’évolution de leurs propriétés mécaniques et physico-chimiques à travers des essais de durabilité et de vieillissement, afin d’identifier d’éventuelles pathologies. Nous accompagnons également l’entreprise de travaux publics Charier, qui envisage d’utiliser des sédiments de dragage dans la formulation de béton. Des tonnes de sables et d’argiles sont draguées dans les ports et rejetées dans les océans, entrainant une perturbation des écosystèmes marins. Nous avons mis au point une formulation de béton à partir de ces sédiments.

Comment accompagnez-vous les industriels dans le développement de nouveaux matériaux ?

L. Guihéneuf Nous avons une expertise reconnue sur la formulation d’écomatériaux, de matériaux granulaires, cimentaires ou à liant hydraulique (chaux, plâtre…) ainsi que sur les pathologies des bétons. Nous intervenons de la phase de recherche et développement d’un nouveau matériau jusqu’au suivi après sa mise en œuvre.

Souvent, nos clients ont pour projet de valoriser un type de déchets particulier. Nous réalisons des études de faisabilité pour vérifier leur compatibilité avec les contraintes de fabrication et d’usage. Si l’étude de faisabilité est positive, nous formulons puis caractérisons le nouveau matériau : caractérisations mécaniques, thermiques, physico-chimiques… Nous identifions ses usages possibles afin d’orienter le client dans le positionnement de son matériau sur le marché.

SPIE Batignolles nous a par exemple demandé de mettre au point un processus de valorisation des matériaux excavés lors du creusement de tunnels en boucle fermée. Ils ont besoin de disposer d’une méthode d’analyse utilisable facilement sur chantier, afin d’analyser sur place les matériaux excavés, les trier et les réemployer dans la construction du tunnel.

Quel est le degré de complexité de la formulation d’un nouveau matériau ?

N. Leklou Il faut envisager la formulation comme une recette de cuisine. Aux ingrédients de base, nous ajoutons des ingrédients originaux pour développer des recettes innovantes. Comme en cuisine, certaines associations ne fonctionnent pas : les sables, gravillons et ciments ne sont pas tous compatibles par exemples. Tout l’art consiste à trouver les dosages et ingrédients adéquats pour obtenir un matériau avec des propriétés mécaniques, de maniabilité et de durabilité satisfaisantes.

Quels types d’essais réalisez-vous pour connaître les propriétés des matériaux ?

L. Guihéneuf Une palette complète d’essais mécaniques, thermiques, physico-chimiques… Par exemple, le cabinet d’étude EffiCite souhaitait valoriser des déchets de mousse polyuréthane issue de réfrigérateurs recyclés. Nous avons réalisé pour ce client des essais de caractérisation des propriétés thermiques, mécaniques (compression et flexion), des essais de porosité accessible à l’eau et de mesure du retrait volumique.

Parfois, l’utilisation de déchets impose également la réalisation d’essais de lixiviation. Ceux-ci permettent de voir si des polluants sont dégagés lors de l’incorporation des déchets dans du béton. Dans le cadre du projet national « Recybéton », nous avons formulé des bétons à partir de granulats recyclés issus de la déconstruction de bâtiments. Ces déchets contenaient beaucoup de sulfates : des polluants susceptibles de causer des pathologies au béton. Nous avons mesuré leur impact à long terme sur le matériau.

Justement, comment évaluez-vous la durabilité d’un nouveau matériau ?  

N. Leklou Nous créons une base de données à partir des résultats de nos différents essais et caractérisations. Puis, nous modélisons le comportement mécanique d’un matériau grâce à des essais expérimentaux accélérés. Bien sûr, nul ne peut garantir la viabilité d’un matériau sur des dizaines d’années, mais ces essais nous donnent déjà de précieuses indications. Celles-ci peuvent être comparées à des données issues d’études antérieures ou à des données existantes sur des matériaux déjà connus.

 

Vous souhaitez évaluer les performances mécaniques et thermiques de vos bétons et matériaux cimentaires ? Contactez-nous.

 

(1) Les bétons avec additions intègrent des fillers calcaires (i.e. poudre de calcaire) ou des laitiers (i.e. déchets dégagés par les hauts fourneaux). Les additions permettent de réduire la part de ciment.

(2) Un liant géopolymère est formulé avec des additions siliceuses (laitier ou métakaolin) mixées à des solutions basiques de potassium ou sodium, auxquelles sont parfois ajoutés des sables ou granulats.

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